Décor à corps

Décor à corps

Ce soir j’aime mon corps.

J’aime chaque creux de ma cellulite sur mes cuisses, sous mes fesses… De jolies vagues sur cet océan de chair, un relief rythmé qui fait de moi une rebondie, une voluptueuse. Chaque forme, chaque rondeur révèle un creux, une vallée des arrondis, des paysages à parcourir.

Mes pieds qui commencent à se cabosser révèlent toutes mes marches, toutes mes courses, tous mes allers et venus, mes promenades diurnes, nocturnes, mes pas de danse effrénées, ma coquetterie de talons trop aiguisés, mon originalité.

L’arrière de mes bras me rappelle à quel point j’ai besoin de ma propre attention et de douceur, chaque jour une caresse de crème et d’huile d’amande douce. Mes bras me rappellent à quel point j’aime porter mais aussi la fragilité que je dois respecter car je ne peux pas tout porter. Les vagues de cellulites qui s’échouent sur ma peau sont un signal d’attention. Mes ongles qui se cassent sont la continuité, le rappel d’un regard sur l’essence de ma vie, mon alimentation.

Mes poils en dessous au-dessus en cafouillis me montrent la diversité de mon être, parfois concentré sur des petites dunes de peau brunes, je les sens comme le temps qui passe, des petites brosses m’ont aidé à nettoyer et démêler la tolérance de l’intolérance.

Les petits points noirs qui colonisent les parois de mon nez m’ont ouvert les portes des connaissances esthétiques féminines, des recettes de grand-mères.

Mes cheveux qui s’effilochent et s’embrument souvent, m’ont lié à vie avec les femmes les plus originales que je connaisse, qui luttent chaque jour afin de ressembler au lisse de notre vie. Ordinaire, et belle, polie. Attendue.

Mes lèvres sont sublimes, accueillantes de chaque sourire et de chaque bonne nourriture qu’on leur transmet. J’ai appris à les hydrater, tendrement comme on ferait pousser une fleur, haute comme basse, à droite comme à gauche, de douces caresses à de puissantes mises en bouche : elles me font vivre des plaisirs.

Mes mains sont de réels cadeaux vers le toucher mais aussi la création, indispensable à ma vie.

Mes cernes longtemps détestées sont aujourd’hui l’héritage de ce regard fort de mes ancêtres : le creux et le noir ont été essentiels pour voir où était le sommet et la lumière.

Mes yeux, le secret de mon pouvoir, ils voient même mieux lorsqu’ils se ferment. Ce bleu n’en ressort que plus bleu. Leur forme va avec ma crinière: je suis chatte et lionne, je ronronne et veille au bien être de mon pays, mon corps, cette terre d’asile.

Décor à corps