James & Cie - Les écarts

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Les écarts, Les écarts de Don & Troket

Et pour quelques carreaux de plus…

Et pour quelques carreaux de plus…

Don avait passé une bonne partie de son adolescence à compter les petits carreaux d’une cuisine dans l’Aveyron… Il était plongeur au «Riton». Un restaurant familial dans la ville de Najac, tenu humblement par son grand-père. Un vieux monsieur très gros, aux joues rondes, affublées d’une longue barbe noire – sous laquelle dormait un charisme incroyable du temps de sa jeunesse – et aux yeux tirés comme ceux des chinois, un trait hérité de sa mère. Non pas qu’elle eut été asiatique, non… Simplement un léger syndrome d’alcoolisation fœtale… Pour ainsi dire, elle picolait trop.

Riton était un mec à qui on ne cause pas tout de suite. C’est d’abord lui qui déblatère, et puis, le laïus rituel fini, il est un homme qui écoute. Et comme tout le monde avait déjà reçu ses sacrements, Riton était le type le plus silencieux de son bar. Notoirement alcoolique – lui aussi – ce grand-père au bon air était toujours imbibé par l’un des pires rouges de la région. «Un sacré rouge qui tâche» disait-il. «Le rouge du patron», disaient les clients.

Un jour, à l’heure où l’aube se cache encore derrière la pinède, un homme fit une entrée fracassante dans le restaurant. Un plutôt grand bonhomme, endimanché alors que nous n’étions qu’un mardi, portant pourtant fière allure dans son veston vert saillant et son chapeau d’un autre temps. Quoi qu’il en soit, ce monsieur s’avança vers le bar pour y solliciter un galopin. Etonnement général dans la salle, alors que la plupart, devant leur café long, ne commençaient à boire que le jour complètement apparu. Néanmoins, personne n’eut de jugement envers cet homme qui n’avait que quelques demi heures d’avance sur eux. Mais tout de même! Un gringos, sapé comme un prince, à la vinasse dès 8h quart! Ce type semblait louche.

Ni une ni deux, son verre abattu, bien trop de pièces jetées sur le comptoir, l’homme rebroussa chemin pour traverser la salle du restaurant et s’en aller.

Au village, on n’avait jamais vu ça. Déjà que les visiteurs étaient rares, ce genre de visite n’arrivait jamais. Les habitués jasaient tellement qu’on n’entendait même plus le chien de la grand-mère voisine aboyer. Un sale chien, vieux d’au moins 100 ans, au poil hirsute, aveugle depuis toujours et nommé Belzébuth, comme si le diable lui-même s’était arrangé pour refourguer son bâtard de clébard à la vieille d’à côté.

Don s’était fait un monde dans sa tête. Il n’en pouvait plus d’imaginer des vies à cet énigmatique étranger. Il se porta volontaire pour enquêter.

Le boucher espagnol n’avait rien vu, la boulangère à l’énorme poitrine non plus, encore moins le jardinier moustachu de la ville qui n’avait plus la tête à faire gaffe à ce genre de choses. Pour résumer, personne n’avait rien vu ou entendu. L’enquête se terminait là où elle avait commencé : au Riton. C’était comme si ce monsieur n’était allé nulle part ailleurs qu’au Riton. Comme s’il était apparu derrière la porte du resto’ et disparu devant… Don n’avait rien pour comprendre et démêler cette histoire. Et puis, il pensa au chien d’à côté.

«Si l’on n’entendait plus le chien de la vieille Margot, c’est que celui-ci s’était fait bumper par une voiture lancée à tout blinde dans la chicane reliant Le Faubourg à celle du Riton, la rue du Barriou». Don avait eu l’info de Mathias, un jeune de Rodez qui venait chaque soir chez Noémie, une fille d’ici. Comme chaque matin, il était parti très tôt, sans un bruit, pour ne pas réveiller le père, «Depuis une bagarre d’après foot, Alfonse déteste les gars de Rodez. Il n’y a pas plus de raisons, les mecs d’ici ont la rancune facile», avait déblatéré l’adolescent. Mathias était le dernier à avoir vu le clébard en vie et le mec qui «conduisait la BM’ rouge immatriculée à Paris». D’ici, Paris semblait si loin. «Edouard!», avait lancé le jeune Rhodésien à Don, «J’ai facilement retenu son nom parce que le type a hésité avant de me le donner». C’était malheureusement la seule chose que Mathias tira de ce Parisien…

L’affaire prenait un étrange tournant. Les deux uniques parisiens passés par là cette année, étaient deux touristes venus grimper les rocheuses. «Un parigo, en veston et chapeau, à 8h15 au Riton, me fait penser aux pires histoires qu’on peut lire à la page des chiens écrasés, justement…», s’inquiétait Rafael, un flic bordelais à la retraite. «Cette histoire parait aussi dévissée que les boulons du lit d’une pute», s’amusait à répéter Riton sans que personne ne le contredise.

Après 5 jours à écumer les villages alentours, sans rien y trouver, Don avait décidé de retourner compter les carreaux de sa cuisine. Mais avant, il passa une annonce :

Détectives, privés, ou autres

Ici subsiste une énigme

Récompense à la clé

Plus d’informations sur place

Bar-restaurant «Chez Riton»

30 rue du Barriou, Najac

En deux semaines l’histoire avait fait le tour de la région pour arriver aux oreilles de certains curieux des villes proches, qui tous échouèrent dans leurs recherches. Le parisien en BM’ n’existait qu’ici, dans la mémoire des poivrots du Riton, de Mathias et de Don. L’accident entraînant la mort du chien avait été classé sans suite – tout le monde détesté ce cabot – mais une légende rurale faisait passer Mathias pour l’assassin involontaire du chien, car personne ne comprit pourquoi le Rhodésien vint voir Noémie en bus les trois mois qui suivirent l’intrigue et, qui, finalement, précédèrent leur rupture…

Finalement, au bonheur des commerçants du coin, cette rumeur avait rameuté pas mal de monde autour du village, l’affreux chien du 27 de la rue du Barriou était – enfin – mort et enterré, la rue bien plus calme et ce village aussi paisible qu’autre fois.

Et quant au Parisien… Il ne reviendra pas. On l’a dit, les gens du coin ont la rancune tenace, et la vieille Margot (qui ne croit pas aux rumeurs) un fusil à canon long, chargé depuis la mort de Belzébuth…

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