Hommage à dos

Hommage à dos

En contrebas, tout en jonchant le macadam de ses pieds, James, pensif, était assis sur une  chaise : cigarette à la main. Lui – le petit être parmi les grands – était au dos de celles et ceux qui font vibrer le sol de son imagination. Légèrement en retrait de la foule, il observait la lumière qui dessinait un cercle autour d’un amas de personnes vêtues de tenues nocturnes : habillées pour l’occasion. Reprenant une bouffée de la tige incandescente d’entre ses doigts effilés, l’air extérieur transformé son expiration en une brume épaisse propice à dessiner quelques fantaisies : là où elles arriveraient. James souffle tout en observant le long fumigène blanc s’extirpant de sa bouche qui circule entre les corps tel un serpent cherchant sa proie. Puis il en remet une couche en continuant de se brûler les alvéoles, gardant à l’esprit que : « l’instant » approche.

Le voile blanc s’élargit en dessinant les contour d’un tableau de fumée qui navigue vers un dos dénudé. Grande, fine et sublimée par la lumière qui court sur sa colonne, la créature face à James cambre ses voluptés pour offrir aux fragiles passants cette faible limite profilant plus bas que son dos. Toujours en vol et poussé par l’air, le nuage de James s’écrase en rouleau délicat sur un tissu qui dévoile des courbes enchanteresses. C’est ici que la magie opère : dans cette fraction de seconde où le cadre invisible fixe la peinture que l’œil cherchait. Nombreux sont ceux ayant tenté cette description, cette image, cette provocation et suggestion. Sans exception et malgré les verves vives déployées sur ce monde, il reste cet objet de convoitise : cet arrière où turbine caresses et imagination.

Entourées par le vêtement qui serre, ce sont deux rondeurs merveilleusement tenues, soutenues par des cuisses dessinées. Il se veut mutin, caché et dissout dans l’entièreté mais il ressort, consciemment, pour s’exposer : ce globe fendu de détente non crispé. Le tissu enrobe délicatement le fruit gorgé par l’exercice qui laisse entrevoir une belle fermeté appelant à l’envie, au toucher, au test. Tiré par les courbes et les vallons, l’habit s’étire tout du long à tel point qu’il désépaissit. Voilé sans l’être vraiment, il s’offre en duo de demi-cercle dont on souhaite saisir la limite. Peut- être qu’on l’imagine recouvert d’une fine dentelle ? Ou juste habillé en son centre pour mieux prendre l’air ? Laissant penser à la chaleur qu’on voudrait lui procurer par une main naïve mais tentée.

A défaut de glisser le long d’une peau douce et soyeuse, James continue son écart des sens en soufflant une nouvelle bouffée. Inconsciemment ou non – va savoir ce qu’il trotté – le nuage se fait ressentir par la belle, sentant bien qu’elle est ciblée. Sur un tour, elle se retourne doucement tout en ne manquant pas de faire jouer sa boule de cristal où James – en devenir devin – sent l’envie de s’y frotter. Dans un seul et même mouvement, il évite le regard appuyé de celle qui se doute. James se relève, désireux de s’hydrater, mais il doit passer au travers d’une réalité trop rêvé.

D’un pas ferme, il s’engage puis ralenti devant le charme. Sa main frêle et chaude se pose du bout des doigts au plus bas de celle qui dans un effleurement compris que de face comme de dos : elle est un ravissement.

Hommage à dos