James & Cie - Les écarts

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Les écarts, Les écarts de Pereira

J’écris

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J’écris

J’écris, avec la mémoire, avec la sensation et les formes, avec ce que tu as attaché à mes cellules, avec l’eau qui caresse les ponts, avec les globules blancs qui frôlent les rouges, avec les atomes que tu as fracassés, avec le reste à-aller, j’écris, pour ranimer ma boule de gel, pour allumer les lampadaires à insectes, pour te tordre le trognon et t’embrasser de pépins, pour effacer les sentiers que nous n’avons jamais arpentés, j’écris, avec la joie du feu, avec mes artères à terre et ton char qui les emprunte, j’écris, pour réviser mes tables de frustration, pour la ritournelle, pour un nouvel inachèvement, pour la restauration de mon édifice classé au patrimoine des sans-abris, pour déposer une gerbe de sourire sous les tristes portiques, pour soulever la petite montagne entre mes jambes, pour déclasser les dossiers, j’écris, avec l’humus et avec le mausolée qu’il recouvre, avec mon fils qui était mon père, avec le silence hurlé au mégaphone, avec la discrétion généreuse, avec le bleu du ciel et le bleu de la mer dans mes mains, avec l’ombre du cyprès, avec ta guerre et ton olivier, avec une myriade de regards tout autour, avec cet autre hors de moi, avec ce qui se cache dans les plis, dans les échos, dans les secousses aériennes, dans les chutes telluriques, j’écris, pour ta langue, pour haranguer les sourds, pour tes bouffées de colères, pour mon village hautain et tes prairies malignes, j’écris, avec les serpents qui dorment dans le marbre, avec les canons qui éjaculent, avec mon repos après l’ennui, avec autant de reflets qui rebondissent sur les miroirs de ma culpabilité, avec les feuilles qui colmatent les plaies des égouts, j’écris, pour calmer mes jeux d’angoisse, pour t’attirer et noyer le poisson dans ma nasse, pour renverser les verres et me baigner dedans, j’écris, avec la flaque qui ne s’assèche jamais, avec tes chaînes qui relient le vide à l’absence, avec ma mort petite et temporaire, avec le coquillage qui soutient mon pied sur le sable fuyant, avec la plante qui pousse encore, avec les entrelacs de paroles et les linguistes insignifiants, avec les communications sans réseaux, avec tes partenaires, j’écris, pour abolir les vérités à venir, pour enterrer l’Art et le faire à nouveau germer, pour tes forages dans mes eaux troubles, j’écris, avec les chiens, avec les élytres vrombissantes de coléoptères anonymes, avec mes ailes collées au mur, avec la musique des astres, avec l’astre qui s’éteint pendant qu’il naît devant tes yeux, avec les paraplégiques qui s’éclipsent bruyamment, avec les voleurs d’ombre, avec les antennes des aveugles, avec les rires entre les tombes et les trombes d’outre-rive, j’écris, pour ma petite pluie et ton jardin humide, j’écris, avec l’orage qui tarde à devenir éclaircie, avec les herbes sages, avec les folles exaltations du sablier, j’écris, pour entamer une nouvelle part du gâteau, pour desceller les poutres et faire décoller les fondations de ma maison sans plafond ni sol, pour l’intime et l’infime, pour ton système lunaire, pour mes pensées solubles, pour les poussières écrites à l’empreinte du temps, j’écris, avec les arbres alignés du parc, j’écris, pour la revanche biscornue et incontrôlée de leurs racines, j’écris, avec l’Humain placé sous le couvercle étoilé, j’écris, pour la multiplicité à l’unité invisible – j’ai crié.

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J’écris

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