James & Cie - Les écarts

Collectif d'auteurs/personnages ou de personnages/auteurs dessinés. Découvrez notre univers fait de poésies, récits, expositions, projets et aventures.

Les écarts, Les écarts de James

Le petit labo : expérience #1 / Exister

Hypothèse : « Tu vis mais tu n’existes pas ! » – c’est une sentence…

 Variation : « Pour l’instant tu vis mais tu n’existes pas encore… » (Plus chaleureux, moins sec mais tout de même cassant)

 #Postulat : vivre et/ou exister.

Loin des regards, James s’était retiré dans une de ses cachettes. Depuis sa naissance, son intérieur était fragmenté en plusieurs espaces : des carrés, des cercles, des rectangles, etc. Autant de formes géométriques possibles et imaginables qu’il s’amusait à décorer à sa manière. Cependant, il est un espace dans lequel seule la réflexion et les idées bouent : son petit labo.

Les cheveux ébouriffés, James s’était empressé de fermer les portes de l’imaginaire pour se concentrer sur une nouvelle expérience, car aujourd’hui, comme tant d’autres jours, il allait tenter plusieurs expérimentations.

C’est un fait, depuis longtemps, il avait pris conscience de n’être qu’une invention : un personnage. Depuis quelques temps, tout dessin qu’il est, il lui arrivait d’éprouver un sentiment étrange semblable à une prise de poids, un épaississement, une sensation poignante qui – selon lui – le rendait de plus en plus vivant. Quelle étrange bizarrerie ! Lui qui s’était tant de fois rassuré dans la maigreur de son cynisme symbolisant une certaine discrétion : la volonté d’un effacement au profit des observations au cœur de ses flâneries. Au fil de ses histoires, James avait vraisemblablement, pris de l’ampleur. Plus épais et de moins en moins étranger à lui-même, il était sur le point de se reconnaître : lui, l’illustration d’un personnage qu’il est.

Dans son labo, plusieurs expériences étaient stockées : des liquides, des temps passés, présents, et futurs, fournies par son logeur, qui lui permettaient différents mélanges pour rechercher des remèdes aux réflexions les plus saugrenues. C’est ainsi qu’explorant son stock, il mélangea un soupçon d’enfance et d’adolescence pour trouver les pistes de cet étrange état.

Assis sur le rebord d’un lit, James se retrouve aux premières loges des orbites de son logeur. Il observe une enveloppe. Les mains tremblent en tenant l’objet. Le papier est lourd et provoque une crainte sourde. Face à lui, James distingue un autre, humain – beaucoup trop humain – dont la figure le paralyse et l’effraye. Autrui regarde l’objet scellé et dit : « ouvre la. ». L’enveloppe s’ouvre. Sur son contenu sont inscrites des notes et plusieurs remarques. Non pas qu’il s’agisse d’une mauvaise nouvelle mais après lecture, les mots se font de plus en plus pesant. James comprend que c’est un souvenir de bulletin : un événement marquant qui l’assèche. Chaque mot met en avant une situation moyenne, médiocre : « N’est pas là même quand il est là. », « A les capacités mais ne les exploite pas. ».

Soudain une voix retentie : « c’est encore et toujours le même entre-deux, tu vivotes mais tu n’existes pas encore… ». A ces mots, l’intérieur de James se resserre. Il distingue cette phrase flottée dans les airs. D’un mouvement vif, il la saisit puis l’enferme dans une de ses fioles pour quelques analyses.

A première lecture, James semblerait vivre sans exister ? Le personnage vivrait sans avoir d’existence… « Curieux » – se dit James : comment vivre et exister peuvent être séparés ? Et qu’elle est cette condition, cet entre-deux où l’on « vivote » ? James s’arrache les cheveux. Il note, il rature, il retourne la phrase, il crée des liens avec l’évènement mais plus il cherche, plus l’énorme point d’interrogation se dessine au dessus de sa tête. Observant la formule puis le souvenir il distingue deux choses.

Tout d’abord, la scène ou plutôt l’objet principal : le bulletin, ce bout de papier qui – visiblement – couche des dénominations cherchant à le définir. Enfin, le score qui ne crève jamais le plafond. Face aux faits, James répète inlassablement la phrase « tu vis mais tu n’existe pas » en songeant que – peut être – la vie serait cet état moyen, emplit de banalités, un espace de latence d’où ressort la médiocrité de ses actions. L’existence serait donc plus grande, noble et grisante ! Elle le conduirait vers le succès ! Mais est-ce que « réussir » c’est « exister » ? Ou mieux encore : est-ce que réussir la vie conduit à exister ? Ou pire : est-ce qu’exister serait ne plus avoir de vie ?…

Au sein de cette première tambouille, James ne trouve aucune réponse et crée plus de questions qu’il ne le voudrait. Piétinant sur le sol, l’envie de sonder les abysses de ce mystère l’obsède. Il prend une nouvelle fiole et décide de la boire d’une traite pour revivre un nouveau souvenir.

Assis dans une petite cuisine pittoresque, James observe un chien. Une voix se fait entendre : « là c’est un exemple parfait. ». James tend l’oreille et écoute. « Vois-tu l’animal vit, on pourrait même dire qu’il possède une belle vie, on pourrait l’envier mais il n’existe pas… ». Surpris par cette affirmation, James regarde l’animal qui lui semble bel et bien exister. La bête est palpable, réelle, physique donc elle existe puisque James peut la voir, toucher et ressentir. « Est-ce qu’il agit ? » – demande la voix. James reste perplexe face à cette question mais naturellement la première réponse serait, oui : le chien joue, mange, marche et mène une vie de chien. Doutant de sa réponse, James dessine l’animal sur un bout de papier. Longuement, il observe le croquis sans rien y voir ce qui le pousse à dessiner un point d’interrogation au dessus de l’animal comme une hypothèse.

C’est alors qu’une idée lui vint. Certes, ce chien vit c’est indéniable mais existe t-il comme James ? A savoir, comme un être qui se pose des questions et qui agit à l’aide de ses pensées. De toute évidence l’animal ne pense pas comme l’être humain car il ne définit pas son action par un raisonnement. Ce chien est une machine formidable, une mécanique huilé mais dépourvue d’existence : il n’agit pas sur son environnement.

C’est alors que James, prend en compte « l’action » dans cette équation délicate de vivre et/ou exister. L’action est un facteur – se serait le vecteur – qui conduirait à exister car dès lors que James bouge, pense, raisonne ou transforme quelque chose : il est actant donc existant. Ses recherches, le fait qu’il remue les fioles d’un imaginaire font de lui un croquis bourré d’existence dépassant le stade d’une vie figée où tout ne serait que routine. C’était donc la solution : vivre par l’action crée l’existence.

Dans son petit carnet de notes, James repense au nombre de fois où il était seul sur sa feuille blanche : au cœur d’une vie de solitude dans un espace blanc sans limite. Dès lors qu’il agit, se met en marche et court vers les yeux de son logeur pour observer le monde qui l’intrigue, il prit conscience qu’enfin : il commençait les prémices d’une existence dont il n’avait, jusqu’à aujourd’hui, même pas conscience.

Le petit labo : expérience #1 / Exister, James, les écarts de James, les écarts, Romain Ravenel, dessin, illustration, poésie, récit, recherche, expérience, James et cie, James & Cie, james et compagnie, james et cie les écarts, james & cie les écarts, james et compagnie les écarts, poésie visuelle, vivre, exister,

Le petit labo : expérience #1 / Exister

4 Comments

  1. God

    Vraiment bien ce labo!

    • James

      Merci beaucoup cher lecteur pour votre commentaire. Ce premier laboratoire n’est que le début d’une série d’expérimentations à venir. Affaire à suivre…

  2. Superbe, expérience à suivre ! Peut-on vivre sans réfléchir ?

    • James

      Merci beaucoup pour ce commentaire et cette question. Si l’on suit la logique de James : oui nous pouvons vivre sans réfléchir mais n’est t’il pas mieux de réfléchir pour exister ?

Leave a Reply to Annuler la réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Theme by Anders Norén

%d blogueurs aiment cette page :