Passage

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De l’Autre côté, dans une forêt dense et glaciale, l’atmosphère pèse en brume épaisse enveloppant les écorces durcies de cimes disparaissant dans le cyan du ciel. Poursuivi par une menace aussi inquiétante qu’inconnu, indomptable qu’innommable, je cours, trébuche, me coupe, me cogne, me taillade, me relève et cours encore et encore. A l’orée de ces bois apparaît alors un lac d’un calme absolu, libérateur. Les rives qui l’enserrent glissant en pente douce vers ses profondeurs veillent sur une barque faîte d’un bois lisse et brillant au teint pâle. De fines rainures gravées sur sa coque l’ornent de symboles aux courbes élégantes. En ramant vers un îlot planté au milieu de cette étendue miroitante où trône un vieux manoir assombri par l’abandon mon âme s’emplit d’une incommensurable lourdeur. J’aperçois avec stupeur mon poursuivant sortir lui aussi de la sylve et peine à concevoir la contemplation de ce lion à trois têtes, majestueux, au pelage dorée comme si le soleil l’assiégé, aux crinières rouges orangées semblant s’enflammer et aux regards m’apparaissant d’où je suis seyants de six saphirs étincelants. D’un bond agile et aérien je saute sur l’autre rive débarrassé du poids précédent et dans un grincement agaçant la porte de la bâtisse s’ouvre lentement. En sort sa logeuse s’approchant d’un pas aussi épuisé que réservé. Face à face ces lèvres tremblantes devancent son souffle irrégulier sur mon oreille sclérosant les os et le sang :

« Ne cours pas, tu n’es pas en retard, les cloches sonnent toujours à l’heure. ».

Une cloche sonne subitement et son surin s’insinue dans mon ventre, mon cœur, ma tête. Et la cloche continue de sonner dans un violent vacarme de plus en plus assourdissant. A nouveau pesant mes jambes cèdent et mon corps vient heurter le sol avec fracas. Silence se fait. Elle se tient juste au dessus de moi, une main souillé par l’écarlate, l’autre tenant un pendentif de plusieurs cercles s’entremêlant. Esquissant un sourire rassurant soudain sa voix s’adoucit :

« Tout ira bien maintenant. ».

Je ferme les yeux. Réveil.

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