James & Cie - Les écarts

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Les écarts, Les écarts de James

Un ou des sens

Un ou des sens

James était perplexe. Contrairement aux autres fois, il ne réfléchissait pas à une idée mais à un objet concret. Il fit une découverte : un bout de parchemin fort étrange qui, à première vue, dessiné les contours d’un monde – une sorte de carte. Cependant, l’objet était plutôt original car il n’y avait aucune légende, aucun nom de pays et encore moins d’indices pointant vers une direction. Sentant que la chose lui serait utile, il rangea le parchemin dans sa poche.

Ne sachant pas vraiment quoi faire, James décida de s’aérer pour prendre un verre et se mêler à la foule. C’était l’hiver – sa saison favorite – ce temps si particulier où le froid saisit les os des passants qui, pressés, cherchent à se réchauffer chez eux ou auprès des autres. Assis à une table au fond du bar, il profite de la vue et s’installe confortablement en glissant ses mains dans ses poches. En trifouillant, il sort son paquet de cigarettes et la carte sans indications. Il la déplie devant lui et commence à l’observer mais au moment de reprendre son verre, quelques gouttes tombent sur le papier. Maladroit, il tente d’éponger mais il était trop tard, l’objet été trempé. Déçu par son geste, James soupir puis décide de reprendre un autre verre pour oublier son erreur. Quelques minutes s’écoulent quand soudain, devant ses yeux ébahis un texte fait son apparition là où la carte était mouillée.

«  A l’intention du détenteur de cet objet. Si vous êtes en ma possession c’est que vous vous posez des questions sur un ou des sens. Mais vous me direz – carte qu’entend-tu par ces mots ? N’avez vous jamais songez qu’en ce monde il y avait une signalétique et qu’à force d’observations nous serions en mesure de la distinguer ? Rassurez vous ! Voilà la chose établie et le mode d’emploi pour m’utiliser à bon escient. Mettez vous assis, tenez moi entre vos mains et regardez le monde qui vous entour. Normalement (sauf si vous vous trouvez sur une île déserte) des personnes sont présentent. Observez les, puis identifiez les gens seuls ou ensembles. Soyez attentif à leurs actions et leurs gestes. Ensuite, penchez vous sur moi et vous trouverez : la signalétique relationnelle. PS : pour toute réclamation veuillez vous adresser à vos proches pour attester de la véracité farfelue de cet objet. »

Légèrement dubitatif, James se demande si son ivresse passagère ne lui joue pas un tour. Voilà une tentation bien malsaine de posséder un tel objet pour décrypter les liens ou celles et ceux qui prétendent être liés. Dois-je m’écarter ou non ? – pensa James. Malheureusement, sans le vouloir, dès qu’il leva la tête sur son environnement, il s’écarta.

L’illusion des directions : A gauche, une femme boit son café et lit un livre. Un homme entre dans le bar, un sachet à la main. Il la rejoint. Ils échangent des regards, une complicité se dessine. Ils discutent, rient et se sourissent mutuellement. On ne sait pas si c’est un couple ou de bons amis. L’homme met la main dans le sachet et sort une petite boite recouverte d’un flot rouge. C’est l’approche des fêtes, le temps des témoignages d’attentions. La femme lui sourie, l’expression mêle gêne et plaisir non dissimulé car qui ne serait pas toucher par la tendresse d’un geste ou d’une simple pensée. Les yeux de l’homme reçoivent ce sourire chaleureux qui assure d’avoir trouvé ce petit quelque chose, le petit cadeau, juste. Une pause s’installe. Un silence suspendu. L’attente prend place. Une phrase sort de la bouche de l’homme. Une réponse silencieuse s’affiche chez la femme. Le visage se fige, son sourire s’efface. Un petit geste de la tête qui n’a besoin d’aucuns mots laisse pénétrer le froid. Leurs yeux se détournent. Ils ne brillent plus. Ils ne se cherchent plus mais se fuient. Un monde qu’ils pensaient commun se givre. La déception laisse éclater son rire. Les façades reprennent leur place. La discussion se poursuit tandis qu’intérieurement et entre eux, les chemins se brisent.

Chevauchement : Au centre du bar se trouve un couple. Face à face, ils se tiennent la main. Sous la table leurs jambes se frôlent. Chaque regard et attention se répondent avec harmonie similaire à un concert finement préparé. Les mots s’adressent avec fluidité, chacun conclu la phrase de l’autre. L’intuition est devenue le réflexe et le maître mot de cette relation. Ici, un seul sens, unique et commun. Des questions/réponses qui dirigent ensemble une réflexion : un partage ou la visée d’un but fut construit. Point de lignes de fuites. Point d’embranchements. Points de déviations. Les directions s’enlacent pour créer cette route où les pas s’engagent avec confiance et assurance.

Boucle non bouclée : Dans un coin, nerveux, un homme touille rapidement son café. Il attend. Une femme entre, un peu pressée et très apprêtée. Elle le cherche du regard, elle le trouve puis s’assoie, souriante et ravis de le retrouver. L’homme souris nerveusement, ce sourire est large mais pincé ; il semble forcé. Ils discutent. C’est peut être un premier rendez-vous, un deuxième ou le dernier. La femme cherche son attention : un geste, un signe, une affection. L’homme tente de donner mais ce qu’il propose ne peux pas s’offrir pleinement car le son d’un passé résonne en lui. Une cloche stridente, un signale d’alarme que lui seul peut entendre. Voici le prisonnier d’un seul sens, celui qui tourne en rond face à la personne qui serait une nouveauté. Chaque mot, chaque geste, chaque phrase est effrayante car elles ont déjà été dites. Ce sont des fragments, les échos d’un amour qui craint d’être réactivé. Rien n’avance. C’est un stagnant tournant le dos au présent. Ils se prennent la main. La femme avance sans trembler. L’homme prend une grande inspiration tout en priant lui-même de s’abandonner. Ils s’embrassent mais l’un pense à l’autre : celle qu’il ne peut pas oublier.

Phase indicative : Une femme parle à une autre. Elle lui raconte ses histoires, ses plaisirs, ses déboires, ses déceptions, ses frustrations. On pourrait imaginer que tout ceci se lie et pourtant, ses récits ne sont qu’une succession, une direction qui marche par à-coup abrupte. Le discours comme les actes sont en pointillés. Les indications sont désordonnées : un coup à gauche, un coup à droite, retour au centre puis déviation. Rien ne tient. Les instants glissent puis s’échappent. Elle est une phase sans emphase. Sans point de chute, elle navigue dans le vide pour y trouver une quelconque limite. Aucune de ses directions n’aboutissent, ni ne se résument puisque la vraie destination la rebute.

Décalage : Un couple échange quelques mots. A priori, tout est compris et tout se tient mais quelque chose sonne faux. L’un ou l’autre possède une longueur d’avance. Sans que rien ne soit dit haut et fort, les rythmes, les envies et les attentes se décalent puis reviennent au même niveau. La direction oscille parfois – même souvent – mais ces êtres ne se cherchent plus. Que reste-il à faire ? Quel est l’avenir ? L’un et l’autre marchent côte à côte sur le chemin qu’ils tracent. Pourtant, l’un devance, l’autre suit. Un déséquilibre s’installe : Qui parle ? Qui écoute ? Qui lance le mouvement ? Qui s’applique à le suivre ? Qui dicte et qui subit ? Deux directions se lancent à corps perdu dans l’aventure mais arriveront-ils sur la même ligne d’arrivée.

Croisé : Un homme et une femme se tiennent à distance chacun de leur côté. Ils ne se connaissent pas, s’ignorent ou pensaient se connaître. Se sont deux directions plus ou moins rodées, deux lignes ayant déjà vécues. Malgré l’écart, ils se croisent et ne peuvent s’empêcher de se croiser : y a t-il une union qui se profile ? Y aura t-il une perpétuelle séparation ? Un oublie ? Il n’y a pas de réponse. Ils se croisent, ils se croiseront encore comme tant de directions qui prennent un même chemin tout en refusant de le reconnaître. Parfois, ils se touchent. L’espace d’un court instant un rapprochement se fait. Un petit regard, un petit geste mais rien les retiennent. Chacun file droit jusqu’au jour où le croisement se recroisera peut être. S’arrêteront-ils ? Prendront-ils le temps de s’observer ? Cesseront-ils de se fuir pour enfin se retenir ?

James ferme ses yeux. Il s’arrête puis se lève brusquement de sa chaise tout en chiffonnant la carte. Il quitte le bar et marche rapidement d’un pas énervé. Chez lui, il pose au sol l’objet devenu attrayant et dégoutant car oui, tout peut se lire. Tout se distingue clairement dès qu’il perçoit la flèche élançant le sens, cette fameuse direction que l’on c’est donné seul ou construite avec l’autre.

Peut importe la double nature de cette carte étrange – se dit James. D’après lui, il ne manquait qu’une légende pour qu’elle soit parfaitement lisible. Il prit son crayon et se mis à griffonner cette petite note : « Que vous arriviez à lire ou non telle ou telle situation, n’oubliez pas vous serez heureux d’attester la décence d’une réciprocité pour une ou plusieurs directions mais à niveau égal, vous serez à jamais écorché par l’indécence des cas de non-réciprocités. ».

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