Brouillard et Fantaisie #3
Au beau milieu du brouillard qui s’épaississait, James décida de prendre de la hauteur. Il se sentait de plus en plus perdu, ne comprenant rien aux fantaisies qui se dessinaient dans ce monde absurde et sans limites. Peut être qu’en haut d’un lampadaire, il aurait pu voir la sortie ; la fin de ce monde. Il aurait pu trouver une direction, une route à prendre. Par chance, une longue tige métallique se dressait devant lui. A son contact, il sentit qu’il s’agissait d’un lampadaire dont la lumière était éteinte. Nul phare pour le guider, nulle lumière pour l’apaiser. A tâtons, il grimpa puis au sommet, il s’arrêta pour scruter l’horizon… Rien… Il n’y avait rien. Aucune démarcation. Aucun changement de décor. Un brouillard infini. Interminable. Insondable. Sombrant dans une forme de tristesse, James resta debout et s’alluma une cigarette – encore une – mélancolique. Expirant la fumée vers le bas, celle-ci se mélangeait au brouillard ambiant. Fumée contre fumée. Brume contre brume. Des idées vagues imprégnées de solitude. Des formes se dessinaient comme lorsque l’on jette un caillou dans une marre et que l’onde se propage, déforme et change la vision du monde autour de soi. Dans sa fixité, prisonnier de son immobilisme, l’esprit de James voyait des formes, des images, des structures, des objets, des personnes. Des éléments fugaces et vaporeux qui à peines formées s’évanouissaient dans le néant. Dans ce monde où régnaient la fantaisie et les reflets qui se troublent, James ne pouvait rien fixer. Il ne pouvait rien toucher. Rien saisir, ni même ressentir quelque chose. Le froid, le chaud, le dégoût, la douceur, la caresse ou la douleur. Tout était vide. Une mer de fumées sans fin et immuable comme si le temps c’était joué du pauvre James qui espérait… L’espoir que le brouillard se dissipe. Au beau milieu de ce constat, la fantaisie allait bon train ne laissant place qu’à la suggestion et aux soupçons. Des bribes faisant échos à des mémoires enfouies. Des morceaux de miroirs brisés. Des éclats de rêves enlacés. La fumée se tord. L’épais nuage blanc laisse entrevoir les artères d’un monde lointain. Les bruits des cœurs percés. Les êtres qui s’agrippent, pleurent et se traversent. Il y avait de l’horreur et de l’insoutenable. Il y a avait du sensible et de l’effroi. Il y avait des gorges qui se serrent, des colères qui se ravalent, des gueules qui s’étirent et des mots qui tailladent. Petit à petit, James regardait sa cigarette se consumer à grande vitesse. Les cendres tombaient puis disparaissaient. Il hésitait… Etait-il comme ces cendres ? Grises, éteintes, mortes. Etait-il le résultat d’une combustion ? Est-ce que ce monde était de son propre fait ou était-il victime d’un univers dans lequel il devait errer ? James s’approcha du bord du lampadaire. Il se sentait comme les cendres. Il était léger et lourd tout à la fois. Si il faisait un pas de plus, qu’allait-il se passer ? Si il décidait de sauter pour ne faire qu’un avec le brouillard serait-il en paix ? Malheureusement, le corps de James était encore bien trop vivant pour répondre à ces questions. Il descendit du lampadaire tout en songeant qu’en hauteur le monde était bien cruel. Tandis qu’au sol, arpentant le pavé, il pouvait encore trouver un autre chemin, supporter le brouillard jusqu’à ce que celui-ci soit terminé.
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